Ravage de René Barjavel est un roman d’anticipation apocalyptique à faire froid dans le dos. Publié en 1943, l’auteur y dépeint une société futuriste, interdépendante et ultra-connectée. Quatre-vingts ans plus tard, ce qui relevait de la science-fiction est en passe de devenir une réalité. En effet, en 2023, nos sociétés sont plus que jamais dépendantes des technologies. Déjà très dubitatif quant à la pérennité de ce mode de fonctionnement, Barjavel dénonce les excès du progrès et lance un cri d’alarme contre cette société. Ravage, simple dystopie ou véritable prophétie ? Découvrons ensemble trois pistes de réflexion que nous offre René Barjavel.
Ravage de René Barjavel : dystopie ou prophétie ?
L’histoire se passe dans un futur proche, en 2052. Blanche Rouget, une ancienne provinciale, rêve alors de devenir chanteuse. Elle croise le chemin de Jérôme Seita, directeur de l’une des radios les plus influentes de la capitale. Très rapidement, il tombe sous son charme et la demande en mariage en lui promettant une vie de star. En parallèle, François Deschamps, un ancien ami de Blanche, fait irruption à Paris pour quelques jours. Exploitant de l’une des dernières fermes traditionnelles du pays, il cherche à passer le concours d’ingénieur. Ces trois personnages évoluent dans une capitale à la pointe de la modernité, où les habitants dépendent entièrement des livraisons d’eau, de nourriture et d’air frais que leur fournissent les machines alimentées par l’électricité.
Soudainement, un flash info vient interrompre le quotidien de nos personnages : le dirigeant de l’Empire sud-américain annonce avoir envoyé des dizaines de missiles contre « l’ennemi ». Quelques heures plus tard, la France est privée d’électricité. C’est alors une véritable catastrophe ; le début de l’apocalypse : les avions s’écrasent un à un, les voitures n’avancent plus, les lignes de métro sont à l’arrêt, les médias sont éteints, l’eau et la nourriture ne sont plus distribuées, l’air conditionné est stoppé… Très vite, la folie s’empare des habitants. Les Parisiens, pris de panique, se retrouvent abandonnés à leurs instincts primaires et les délits et les crimes s’enchainent.
La situation s’aggrave encore lorsque les moteurs des véhicules se mettent à exploser. Partout des incendies monstrueux se déclarent. François décide alors de fuir ce chaos pour retourner dans sa Provence. Il emmène avec lui Blanche ainsi que quelques femmes et hommes qu’ils pensent utiles. Pendant des jours, voire des semaines, l’équipe fait cap vers le sud. Ils devront subir le manque d’eau, de nourriture et la fatigue. Assaillis par une chaleur étouffante, les protagonistes affronteront ensemble de terribles épreuves. Arriveront-ils tous sains et saufs à destination ? Quel monde s’offrira alors à eux ?
Au travers de son roman, Barjavel nous donne à réfléchir sur le mode de fonctionnement de notre société. Selon lui, trop nous reposer sur les innovations technologiques nous conduirait à la destruction de notre planète. Il nous donne ainsi trois pistes de réflexion sur lesquelles nous pencher, afin nous éviter un terrible futur.
1. Repenser le fonctionnement de notre société
Depuis le XXe siècle, les ingénieurs et les inventeurs sont en recherche permanente de progrès. Ils innovent sans cesse pour nous proposer toujours plus de produits inutiles. Aujourd’hui, nous sommes cernés par des machines et des robots qui nous ravissent nos métiers et nos savoirs. C’est ce système que cherchait à dénoncer Barjavel. Selon lui, sans machines, nous ne serions pas capables de survivre plus de quelques jours. Et pour cause, l’essentiel de nos besoins est pourvu par la société et les technologies. Pour René Barjavel, ces technologies nous ont rendu faibles, sédentaires et dépendants.
La dystopie Ravage se déroule en 2052, soit 109 ans après la publication du roman. Loin de la création d’internet et des smartphones, l’auteur parvient à prédire quelques-unes de nos avancées technologiques : TGV, livraison des courses à domicile, sédentarisation, nourriture synthétique… Barjavel semble avoir anticipé l’évolution de notre société et en dresse un constat plutôt inquiétant. Ravage nous offre alors un tableau de ce que pourrait être notre futur. Quatre-vingts ans après la parution de ce livre, force est de constater que nous sommes incapables de vivre sans pétrole, gaz ou électricité. Les technologies deviennent omniprésentes et commencent même à nous effrayer. Vont-elles finir par prendre le dessus sur nos vies ? Est-ce déjà le cas ?
2. Prendre garde à la revanche de mère nature
Connaissez-vous « l’hypothèse Gaïa » ? Élaborée en 1960 par James Lovelock, alors chimiste de l’atmosphère, cette hypothèse met en relief le fait que « l’ensemble des vivants maintiendraient des conditions optimales d’existence ». Selon lui, les êtres vivants et la Terre forment un tout. Si un des éléments provoquait un déséquilibre, la planète serait dans la capacité de s’autoréguler. En clair, si les humains devenaient trop nombreux, portaient atteinte aux écosystèmes et bousculaient les équilibres chimiques, la Terre pourrait provoquer des catastrophes naturelles (séismes, tsunamis, éruptions volcaniques, épidémies…) pour réguler son nombre d’occupants et assurer sa survie.
Dans Ravage, la panne d’électricité, les incendies, la fonte des matériaux, les épidémies de choléras, pourraient être quelques-unes des manifestations de la Terre pour se rendre justice.
René Barjavel imagine qu’en 2052 les populations :
- résideront dans des gratte-ciels,
- vivront de climatisation dans des villes suffocantes,
- refuseront de se nourrir des produits de la terre et de la mer,
- nieront l’existence de la nature.
Selon lui, les êtres humains tentent de faire des efforts pour protéger la planète et la biodiversité, mais semblent faire les mauvais choix. En se tournant vers les technologies, ils s’éloignent de plus en plus de la nature et de ce qu’elle a à leur offrir. Les outils du progrès sont utilisés pour l’asservir et la dominer. Lasse d’être ainsi maltraitée, la Terre manifeste sa colère pour contraindre ses survivants à revenir à des valeurs fondamentales et un mode de vie plus naturel.
3. Revenir à un mode de vie plus naturel
Il est très dur de revenir en arrière quand on a gouté au progrès. De tout temps, les hommes ont cherché à améliorer leur quotidien en forgeant, bâtissant, créant. Même si les avancées ont été relativement lentes et modérées, on assiste à une avalanche d’innovations sans précédent depuis la fin du XXe siècle. Celles-ci nous conduiront-elles à un monde tel que Barjavel le décrit dans Ravage ? Espérons que non ! Pour ce faire, l’auteur transmet une lueur d’espoir. Pour lui, il est possible d’échapper à cette funeste destinée en revenant à un mode de vie plus naturel. En effet, avec les années, nous avons perdu notre force, notre puissance, notre habileté et nos savoirs au profit des machines. Il serait judicieux de revenir à une époque où les Hommes savaient manier la terre et utiliser ses ressources à bon escient. Nous avons besoin de nous détacher des technologies pour apprendre à vivre sans elles, au cas où, soudainement, elles venaient à nous lâcher.
Le cercle vicieux du progrès
Si nous prenons tous conscience des dangers qui suivent une sur-dépendance aux machines, et que nous revenions tous à une vie saine et une société autosuffisante ; qui nous assure que les progrès technologiques ne feraient pas leur grand retour dans quelques décennies ? Les êtres humains, adeptes d’innovations, auront toujours envie d’inventer et de créer des machines pour faciliter leur quotidien. Selon Barjavel, le progrès technologique nous a fait entrer dans un cercle vicieux dans lequel état primitif et société ultra-connectée semblent former une boucle sans fin. Une véritable épée de Damoclès qui menace l’humanité contre laquelle les être humains devront désormais lutter ad vitam æternam.
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Mathilde Leroy, pour le blog de Lire à l’occasion
Sources :
Sciences et vie – Et si la Terre était vivante : le grand retour de l’hypothèse Gaïa